Fin de cycle pour la cogénération biogaz en France: place à l’injection

Développement de projets en méthanisation et gaz renouvelables

Un changement de cap stratégique pour la filière biogaz

En France, produire de l’électricité à partir de biogaz n’est plus une priorité. Et pour cause : notre production d’électricité est déjà excédentaire et largement décarbonée.

En revanche, les besoins sont ailleurs. Dans les transports. Dans la chaleur. Et c’est justement là que le biométhane injecté prend tout son sens.

La France compte aujourd’hui plus de 1 100 installations de cogénération biogaz. Nombreuses sont celles qui pourraient être converties à l’injection. Le moment n’a jamais été aussi opportun.

La fin d’un cycle pour la cogénération biogaz

Une électricité déjà décarbonée… et excédentaire

En 2024, plus de 95 % de l’électricité produite en France est bas carbone, grâce au nucléaire et aux énergies renouvelables. Mais cette électricité ne représente qu’un quart de notre consommation finale d’énergie.

L’enjeu majeur reste la décarbonation de la chaleur et du transport, deux usages où le gaz renouvelable a un rôle clé à jouer — sous forme de biométhane injecté, directement utilisable dans les réseaux de chaleur, les process industriels ou la mobilité lourde.

Une politique de soutien qui évolue

Jusqu’ici, la cogénération biogaz bénéficiait d’un tarif d’obligation d’achat (OA), complété par des aides à l’investissement via l’ADEME et/ou les Régions.

Mais le cadre évolue : l’État ne va pas tarder à acter la fin du soutien aux nouvelles installations de cogénération. Si les projets ne seront plus éligibles au tarif d’achat biométhane (réservé aux projets neufs), ils pourront désormais s’appuyer sur des contrats CPB (Certificats de Production de Biogaz) — un mécanisme extra-budgétaire — ou sur des contrats BPA (Biomethane Purchase Agreements), le plus souvent indirects, via des fournisseurs.

Une barrière majeure levée : la fin des indemnités de résiliation

Jusqu’à présent, les projets sous contrat de cogénération ne pouvaient pas basculer facilement vers l’injection. En cause : les indemnités de résiliation anticipée dues à EDF OA.

Cette barrière va bientôt disparaître. Le Conseil Supérieur de l’Énergie a validé, le 27 mai 2025, un projet de texte visant à annuler ces indemnités. L’arrêté correspondant devrait être publié prochainement.

Plusieurs porteurs de projets ont déjà engagé des études et des consultations pour préparer leur conversion. Ce changement réglementaire ouvre une nouvelle ère pour le parc existant.

Un parc existant prêt pour l’injection

Le parc français compte aujourd’hui 1 101 installations de cogénération biogaz, représentant une puissance totale de 581 MWe. Parmi elles, 138 unités dépassent 1 MW, totalisant 322 MW (plus de la moitié de la puissance installée).

Ces installations, souvent mises en service entre 2014 et 2019, ont déjà amorti une bonne partie de leurs investissements. Beaucoup approchent de la fin de leur contrat d’achat et ne bénéficieront plus des mêmes conditions de valorisation.

La conversion à l’injection devient donc une option stratégique, d’autant qu’elle permet désormais une résiliation sans pénalité (cf. section précédente). Mieux : si cette bascule intervient avant la 10ᵉ année, les installations pourront bénéficier de 5 années sans coefficient de modulation CPB, maximisant leurs revenus au moment où le besoin en remboursement est le plus fort.

Exemple : conversion d’une unité de 1 MWe

Prenons une unité de cogénération biogaz de 1 MWe, fonctionnant 8 500 heures par an avec un rendement électrique de 40 %.

  • Elle produit 8.5 GWh/an d’électricité.
  • Elle consomme environ 21.2 GWh/an d’énergie primaire.
  • Soit l’équivalent d’environ 2 million de Nm³ de biométhane par an.
  • Ce volume correspond à un débit d’environ 220 Nm³/h de biométhane injecté (20 GWh/an) en déduisant un volume qui sera consommé par la chaudière pour chauffer les digesteur.

Même sans augmentation de capacité, une telle installation serait parfaitement adaptée à une conversion, en rejoignant la majorité des unités en injection, dont la médiane de production se situe autour de 14,75 GWh/an

L’injection du biométhane, réponse naturelle au mix énergétique français

conversion des installations cogénération biogaz vers l'injection

Comparatif des chaînes de valorisation cogénération vs injection, avec un exemple de modèle économique sur un projet à 100 Nm3/h

Pendant longtemps, la cogénération a été le mode de valorisation privilégié du biogaz en France. Elle permettait de produire simultanément de l’électricité et de la chaleur à partir d’un combustible renouvelable. Mais ce modèle atteint aujourd’hui ses limites dans un contexte énergétique profondément transformé.

D’un côté, la France n’a jamais autant produit d’électricité bas carbone. Grâce au retour en force du nucléaire et à la montée en puissance des énergies renouvelables, la production électrique excédentaire pousse les prix à la baisse, rendant la cogénération de moins en moins rentable.

De l’autre, la décarbonation des usages thermiques (chaleur) et du transport devient une priorité. Et dans ces domaines, l’électricité ne suffit pas. Les molécules de gaz – en particulier le biométhane – offrent des solutions complémentaires, stockables, modulables, et facilement transportables là où les besoins sont réels.

Contrairement à la chaleur, difficile à transporter sur de longues distances, le biométhane injecté peut circuler dans les réseaux de gaz et être valorisé partout en France, y compris pour :

  • la chaleur industrielle et résidentielle,
  • le transport lourd (via le bioGNV ou le bioGNL),
  • ou encore la production d’électricité pilotable si nécessaire (cogénération à la demande…).

Dans ce modèle, l’injection permet une bien meilleure efficacité énergétique, en exploitant l’énergie contenue dans le biogaz sans les pertes liées à la conversion thermique.

Tous les voyants sont au vert pour la conversion

Jamais le contexte n’a été aussi favorable à la conversion des installations de cogénération vers l’injection de biométhane. Plusieurs facteurs se conjuguent aujourd’hui pour en faire une opportunité stratégique à ne pas manquer :

Les installations existent déjà

Les unités de cogénération disposent déjà des principaux équipements : méthanisation, stockage, prétraitement. Il s’agit simplement d’ajouter une brique d’épuration et de raccordement au réseau – un investissement beaucoup plus léger qu’une unité complète.

Le gaz est là, et déjà valorisé

Le biogaz est produit depuis des années, avec un gisement stable, des intrants identifiés, et une exploitation rodée. La conversion repose sur un socle opérationnel solide.

La levée prochaine des pénalités de résiliation

Le principal frein jusqu’ici était l’existence d’indemnités à payer en cas de sortie anticipée d’un contrat de cogénération. Cette barrière réglementaire est en passe de disparaître. Le Conseil supérieur de l’énergie a été consulté le 27 mai, et la publication des textes officialisant la suppression des pénalités est imminente.
Cela permettra à de nombreuses installations de basculer vers l’injection sans pénalités financières, et d’entrer dans un nouveau modèle de revenus.

Un cadre de soutien structuré : CPB et BPA

Les unités converties ne pourront pas bénéficier du tarif d’achat biométhane, réservé aux installations neuves. En revanche, elles auront accès à deux leviers complémentaires :

  • Les CPB (Certificats de Production de Biogaz) : mécanisme de soutien extra-budgétaire, valorisé jusqu’à 100 €/CPB, en référence à la pénalité. Ce montant constitue un plafond ; une décote est généralement appliquée selon la durée, les volumes et le profil de risque.
    À ce montant s’ajoute le prix de la molécule de gaz, négocié séparément, pour constituer une rémunération globale.
  • Les BPA (Biomethane Purchase Agreements) : contrats privés à long terme, souvent indirects (via un fournisseur), permettant de sécuriser les revenus avec un industriel ou un énergéticien.
    Ces dispositifs offrent une visibilité financière indispensable pour obtenir des financements.

Un marché prêt à accompagner

  • Un tissu d’épurateurs expérimentés : plusieurs acteurs français proposent des solutions fiables, disponibles et éprouvées, en France comme à l’export.
  • Des gestionnaires de réseau mobilisés : GRDF, Teréga ou GRTgaz sont engagés pour faciliter les raccordements, avec jusqu’à 70 % de subventions publiques pour les coûts de raccordement au réseau de gaz naturel.
  • Des obligations croissantes de verdissement : entre les objectifs CPB, l’IRICC, la décarbonation des transports, ou les ambitions portuaires, les débouchés vont se multiplier.

Conversion : ce qu’il faut anticiper

Même si le contexte est favorable, la conversion d’une unité de cogénération vers l’injection ne s’improvise pas. Plusieurs éléments doivent être analysés avec rigueur pour garantir la faisabilité technique, économique, réglementaire… et désormais environnementale.

Proximité et capacité du réseau gaz

Le raccordement est un élément clé. Il faut vérifier la présence d’un réseau de gaz à proximité, sa capacité à absorber le débit envisagé, et estimer les coûts associés.
Heureusement, des dispositifs de soutien existent, avec des subventions publiques pouvant couvrir jusqu’à 70 % des frais de raccordement.

Analyse économique

Chaque projet doit faire l’objet d’un business plan spécifique prenant en compte :

  • le coût de l’unité d’épuration et de raccordement ;
  • les recettes prévisionnelles (prix du gaz, valeur des CPB, ou BPA) ;
  • la durée des contrats visés ;
  • les économies liées à l’arrêt de la cogénération (maintenance moteur, pannes, autoconsommation électrique) ;
  • le nouveau profil de charges (électricité, compression, suivi gaz…).

Ce modèle permettra de déterminer la rentabilité réelle du projet, le besoin en fonds propres et la faisabilité du financement.

Exigences de durabilité : conformité RED RED III

Les unités injectant du biométhane doivent désormais se conformer aux critères de durabilité européens fixés par la directive RED, dans sa dernière version (RED III).
Cela implique :

  • la traçabilité des intrants utilisés,
  • le calcul et la déclaration des émissions de gaz à effet de serre (GES),
  • l’obligation de certification auprès d’un organisme reconnu.

Tout projet de conversion devra anticiper ces exigences et intégrer leur gestion dans l’organisation quotidienne.

Organisation de l’exploitation : adapter les compétences

Passer à l’injection, c’est aussi changer de métier. Le suivi du gaz injecté, les alarmes réseau, le fonctionnement de l’épurateur ou encore la conformité des mesures de GES imposent un niveau de technicité différent.
Il est essentiel d’anticiper la formation du personnel ou de se faire accompagner temporairement par des spécialistes de l’exploitation en injection.

Accompagner la transition, ne pas la ralentir

La conversion des installations de cogénération vers l’injection de biométhane n’est pas une tendance marginale. C’est une évolution logique, cohérente avec les enjeux énergétiques et climatiques actuels.

Elle permet de prolonger la durée de vie utile des unités existantes, de mieux valoriser le gaz renouvelable là où il est réellement utile (chaleur, mobilité, industrie), et de s’inscrire dans une trajectoire nationale de souveraineté énergétique.

Mais cette bascule doit être accompagnée. Par les financeurs, par les territoires, par les institutions. Et bien sûr, par les fournisseurs de solutions, les bureaux d’études et les opérateurs techniques.


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